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La téléconsultation, une pratique à garder après la crise du Covid19 ?

Réservée à de rares situations avant le 17 mars, la téléconsultation a pris une place majeure dans le quotidien des médecins pendant le confinement: avantages, inconvénients, avis de patients... Est-ce que l'on gardera cette habitude par la suite? La téléconsultation, il y a quelques mois encore, très peu de médecins avaient le matériel et l'envie pour la mettre en place – après tout, qu'est-ce qu'une consultation si le docteur ne peut pas ausculter le malade? Pour les patients autant que les professionnels de santé, ces vidéo-conférences médicales étaient encore impensables au quotidien il y a peu. Mais voilà: crise sanitaire du COVID19 oblige, les comportements et habitudes ont dû rapidement changer, et la téléconsultation s'est largement répandue pour un grand nombre de praticiens. Recommandée par le gouvernement et largement plébiscitée par le corps médical, elle est devenue en l'espace de deux mois une quasi-habitude. A l'heure du déconfinement, les patients ne se ruent toujours pas dans les salles d'attente et préfèrent téléconsulter quand leurs pathologies le permettent. Alors, la téléconsultation, est-elle partie pour durer? Nous avons interrogé un médecin généraliste, une infirmière et des patients, pour avoir leur avis.

Plus de matériel, plus de concentration, mais du positif aussi

Dr. C., généraliste dans les Yvelines, mettait en place la téléconsultation pour la première fois à la veille du confinement, avec l'aide de son entourage connaisseur en informatique pour l'installation logistique. Pour elle, la téléconsultation a été un exercice nouveau et astreignant: «On ne peut pas dire que la téléconsultation soit «étrange» mais c'est sûr qu'elle implique plus de concentration donc beaucoup plus de fatigue. Il faut être sûr d'un diagnostique sans avoir vu ou touché le patient et l'on doit interpréter ses symptômes seulement d'après ses mots. Il faut être plus vigilant et parfois prendre plus de temps par patient qu'en cabinet.» Elle ajoute également que les consultations peuvent être doublées plus souvent qu'à l'habitude pour confirmer le diagnostic dans les jours suivants la première téléconsultation. Avec plus de 75 % de téléconsultation au cœur de l'épidémie, et toujours un ratio entre cinquante et quarante pourcents aujourd'hui, le Dr.C explique que la téléconsultation lui semble, dans certains cas, un possibilité à garder dans le futur: «C'est possible tout à fait, que je continue la téléconsultation – pas à 75 %, mais quelques téléconsultations peuvent être intéressantes pour des cystites, fièvres, un renouvellement de certains traitements type somnifères ou allergies.». Elle ajoute toutefois une précision: «Il faut, pour moi, que le médecin connaisse le patient et inversement. Il faut avoir confiance en son patient, en téléconsultation.»

Côté patients, l’enthousiasme en demi-teinte

Qu'en est-il de cette expérience de l'autre côté de l'écran, côté patient? Julien, étudiant de 25 ans, a consulté sa diététicienne par vidéo pendant le confinement, une praticienne qu'il a l'habitude de voir régulièrement. «Le rendez-vous était déjà convenu en présentiel mais on me l'a proposé en téléconsultation. J'étais content de ne pas avoir à me rendre à Paris en pleine épidémie», dit-il d'abord. Mais il n'aurait pas accepté la consultation par vidéo pour un rendez-vous chez le généraliste: «J'ai consulté mon médecin «en vrai» pendant le confinement, je préfère être en face de lui pour être rassuré. Nous n'avons pas forcément les bons mots pour expliquer nos symptômes donc il faut que le docteur voie et contrôle un minimum, selon moi.» Il n'exclut pas de poursuivre la téléconsultation pour certains rendez-vous qu'il dit «paramédicaux»: «Je trouve tout de même cela pas mal et à l'avenir, si je peux faire mon suivi avec ma diététicienne par télé-consultation, je préférerai. C'est un gain de temps pour tout le monde et cela m'évite le déplacement. Mais je ne le ferai pas pour toutes spécialités de la santé». William, 35 ans, est beaucoup plus réservé quant à l'avenir de la téléconsultation: «Cela m'a permis d'avoir un avis sur un problème de santé pendant le confinement et la prise de rendez-vous était rapide. Mais je ne me sentirai pas rassuré par la «médecine à distance», je ne me sens pas soigné si un médecin ne m'ausculte pas à son cabinet. Sans contact humain, ce n'est pas une consultation.» Pour lui, la téléconsultation était un moyen de circonstance mais il ne se verrait pas l'employer à long-terme, «même pour un renouvellement d'ordonnance».

La téléconsultation, une surcharge pour les infirmières?

Le personnel infirmier lui aussi peut travailler en téléconsultation. Mais cela est tellement rare et peu répandu qu'il est difficile de trouver, dans le milieu, des personnes qui peuvent témoigner de cette expérience. Notamment pendant la crise du COVID, qui a mobilisé les infirmiers hospitaliers comme libéraux. Agnès, infirmière libérale dans les Bouches du Rhône, nous confie: «J'aimerais entreprendre une formation pour exercer en téléconsultation mais il m'aurait été impossible de la mettre en place pendant l'épidémie. Mes patients pour la plupart âgés ne sauraient même pas comment se servir de l'ordinateur s'ils en ont un.» Elle ajoute: «Je fais partie de la réserve sanitaire et, en plus de mes patients, j'aurais pu être sollicitée pour aller auprès de personnes malades lors de leur téléconsultation pour suppléer le médecin et prendre la tension, le pouls, etc. à la place du docteur pendant le temps de la vidéo. En tant qu'infirmières, nous sommes toujours en première ligne.» Agnès se formera dès le mois de juin à la téléconsultation mais nous précise que le cœur de son métier sera toujours avec les patients