Les étudiants de médecine, infirmiers et aide-soignants ont été particulièrement mobilisés lors de la crise sanitaire du coronavirus. Nous nous sommes intéressés à l'impact que cette immersion soudaine a eu sur les études de ces élèves propulsés au premier rang.
La crise sanitaire a mobilisé des milliers de soignants dans le monde et en France particulièrement. Les élèves des écoles de santé ont, eux aussi, été amenés à participer à la lutte contre la pandémie de Covid19. Une expérience inédite pour ces étudiants souvent en stage qui, encore au mois de février, révisaient leur diplôme au lieu d'enchaîner les gardes en salle de réanimation.
«Le grand bain», c'est ainsi que Frank*, interne de médecine générale en septième année, décrit ses premiers mois d'internat. Et si l'internat est toujours une grande épreuve pour les étudiants, les internes mobilisés cette année ont vécu quelque chose de réellement unique. Les autres élèves soignants ont également été dans les services concernés pendant toute la période de grande affluence. Manon*, étudiante en dernière année de masso-kinésithérapie, s'est-elle portée volontaire sur la plateforme Covidom avant de rejoindre un service de soins de suite et de réadaptation (SSR) en stage. Nous avons échangé avec ces deux étudiants pour en savoir plus sur leur expérience et les apprentissages qu'ils ont tirés de ces quelques jours.
Au cœur des urgences, à domicile ou en soin de réadaptation, la situation actuelle a grandement impacté la façon de travailler de tout le personnel soignant : face à une maladie inconnue, étudiants et médecins sénior se sont trouvés au même plan de connaissance et d'expérience. Ce chamboulement a permis aux étudiants de vivre une expérience professionnelle inédite et très formatrice. «Dû à l'inconnu et à la saturation des services, on a eu plus d'autonomie que les étudiants des années précédentes » nous dit Frank, «et je pense que les jeunes médecins qui ont connus cette crise seront plus débrouillards, plus adaptables pour le futur.»
A domicile, il était également nécessaire de suivre un grands nombre de patients classés «cas suspect». Via son école de kinésithérapie, Manon s'est portée volontaire pour surveiller ces patients confinés à domicile. Une «prise de conscience», pour la jeune femme qui a assisté au premier rang aux évolutions et potentiels ravages d'une épidémie. Elle note, elle aussi, désormais postée en service SSR post-Covid, la grande autonomie dont bénéficient les étudiants sur le terrain: «A ce jour, je prends en charge en autonomie les patients. Le plus gros du travail consiste à les remettre sur pieds à vérifier leur état de santé et surtout leur constante lors d’exercices de réhabilitation cardio-respiratoire.»
Interne aux urgences d'un département «vert», Frank n'a pas eu à refuser de patients dans le service Covid de son centre hospitalier, à son grand soulagement. Car si son internat mouvementé lui a permis de confirmer sa vocation pour la médecine, il avoue que «s['il] avait[t] du dire à une famille que le patient ne sera pas envoyé en réanimation au vu de son âge ou autres comorbidités, cela aurait été dur ». Posté exceptionnellement un mois de plus aux urgences, les modalités de validation d'année sont modifiées pour tous les internes. Mais le jeune homme, au point de vue académique, se sent plutôt avantagé d'avoir vécu cette épidémie de l'intérieur : «Cela nous a formé encore plus. On était au même niveau que nos médecins sénior, et on a appris en même temps et avec eux.»
Au sein du service SSR, Manon, en dernière année d'étude, n'est pas face à des situations inédites en termes de soins ni de réflexion sur sa pratique grâce à ses précédents stages. Toutefois, elle se sent plus utile et apprécie travailler à la réadaptation des patients guéris du Covid19: « Promouvoir le bien-être des patients, les accompagner et les voir retourner à domicile est une grande joie !». A quelques semaines de valider son dernier stage et présenter ses derniers écrits, la jeune femme est prête pour son diplôme.
L'épidémie a remué tout le système hospitalier et nécessairement l'année académique des étudiants mobilisés: apprentissages accélérés, plus d'autonomie, adaptabilité accrue, aménagement des examens... la crise du Covid19 les a plongés au cœur d'un effort collectif dont ils ont été une part active et nécessaire. La mobilisation des étudiants dans cette crise sanitaire a renforcé des vocations et également sauvé des vies: l'effort des élève soignants sera, dans certaines régions, récompensé financièrement par des primes équivalentes ou inférieures à celles perçues par le personnel hospitalier.